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L’argent est-il un trou noir de la pensée ?

J’ouvre ici un billet (article) dont la vocation est de proposer une réflexion qui sera mise à jour au fil du temps, sur la nécessité de construire une théorie de la finance qui ne soit pas d’abord économique, qui ne soit pas d’abord mathématique, mais qui soit authentiquement financière. Les quelques lignes qui suivent sont inspirées par les réflexions d’Alain Prochiantz sur la biologie.

Quand on cherche à construire une théorie de la finance, tout ce qui vient de l’économie ou des mathématiques, ou de la physique, qui est très utile, doit être au service de la théorie de la finance. Pour paraphraser Claude Bernard, nous avons besoin d’une théorie de la finance qui prenne en compte la spécificité de la finance, du rapport à l’argent dans ce qu’il a de spécial et d’incarné. L’anthropologie a son mot à dire là-dessus.

La finance n’est pas une branche de l’économie (ou il s’agirait d’économie financière), n’est pas une branche des mathématiques (ou il s’agirait de finance mathématique ou de mathématiques financières), n’est pas une branche de la physique (ou il s’agirait d’éconophysique). Cela ne veut pas dire que la finance n’est pas de l’économie (la finance relève aussi de l’économie), ni que la finance n’est pas de la mathématique (il n’y a pas de finance sans calcul), ni que la finance n’est pas de la physique (il y a bien des objets financiers), mais il reste une singularité, due à l’incarnation des rapports à l’argent dans le temps. La finance est la science de l’argent. Le rapport à l’argent n’est pas anecdotique d’un point de vue théorique. L’argent est une matière dans laquelle le temps s’inscrit.

La finance est la science de l’argent. Les mathématiques bornent la finance par le haut (il n’y a pas de finance sans calcul) et l’anthropologie par le bas (il n’y a pas de finance sans humains). Les mathématiques seraient comme le ciel abstrait de la finance, l’anthropologie comme le terreau concret de la finance. Deux erreurs symétriques sont de vouloir ressembler à un algorithme (une finance mathématique sans anthropologie) ou de vouloir ignorer les mathématiques (une finance anthropologique sans calculs).

On entend parfois dire que “l’argent, c’est sale”. La finance mathématique, c’est propre. Mais ce n’est pas comme ça que l’argent fonctionne. L’économie financière, c’est beau. Mais ce n’est pas comme ça que l’argent fonctionne. Quand les théories économiques ou mathématiques remplacent la compréhension de l’argent, cela provoque les accidents financiers ou la crise de 2008.

L’argent est-il un trou noir de la pensée ?

 

 


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Christian Walter (14 juillet 2024). L’argent est-il un trou noir de la pensée ? EpistemoFinance. Consulté le 19 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/120k1


Christian Walter

Actuaire agrégé, chercheur en philosophie et sciences sociales, spécialiste des représentations du hasard en finance et dans les modèles de risque / Fully qualified actuary, academic researcher in philosophy and social sciences, specialised in the representation of chance in finance and risk models

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